par Claude Léger
Au commencement de toute relation à l’autre, le Stade du miroir...
Lacan a comparé à plusieurs reprises le stade du miroir à une « balayette » qui lui avait permis de franchir le Rubicon de l’entrée en psychanalyse.
Cette invention, ainsi qu’il la qualifiera au moment de faire retour sur ses antécédents, confirme que, dès avant d’être titularisé, Lacan s’était déjà donné pour tâche de faire jardin à la française de la jungle psychanalytique où se côtoyaient les mouvements théoriques les plus contradictoires, ce qui l’amena « au cœur d’une résistance théorique et technique », qui allait poser par la suite un « problème toujours plus patent ».
Il y a donc un départ, un moment fondateur dans ce stade du miroir, que Lacan considérera comme le « premier pivot de son intervention dans la théorie psychanalytique ».
Si l’on déploie les références du stade du miroir - du moins celles de la version de 1938, puisque la communication de 1936 a été « perdue » -, on a en tout premier lieu Pour introduire le narcissisme. Cette introduction procède d’une conception duelle de la pulsion en libido objectale et libido narcissique, ce qui n’ira pas sans conséquences théoriques majeures (clivage du sujet, pulsion de mort….). Les effets en sont repérables dans L’Unheimliche, ou, comme l’écrit Lacan, dans « les mécanismes d’inversion, d’isolation et de réduplication » qu’il impute à « l’imago du double ».
L’autre référence majeure est celle qui provient du commanditaire des « Complexes familiaux » de 1938, Henri Wallon, à savoir les thèses néo-darwiniennes développées dans Les origines du caractère chez l’enfant. La rupture des tout-premier mois de la vie est envisagée par Lacan comme une « rupture du cercle de l’Innenwelt à l’Umwelt ». Dans la version de 1949, et sous l’influence de Lévi-Strauss, il fait passer le drame du stade du miroir de l’imaginaire au symbolique.
Imaginaire et symbolique rendent compte du statut ambigu de l’image, cette imago du corps propre et du double, voire du corps morcelé. Lacan se sert de travaux de la Gestaltpsychologie pour montrer qu’une forme peut avoir des effets normatifs sur l’organisme et que le transitivisme enfantin signale, avec le drame de la jalousie primordiale, l’entrée dans des situations socialement élaborées.
« Le moi gardera de cette origine la structure ambiguë du spectacle qui, manifeste dans les situations du despotisme, de la séduction, de la parade, donne leur forme à des pulsions sado-masochistes et scoptopholiques, destructrices de l’autrui dans leur essence[1]. » J.L.